Une plateforme proposant une dizaine de parcours consacrés à une formation à l’interculturalité a été créée par l’UEA. Le père Vincent Leclercq (secrétaire général à la formation) en détaille les enjeux.
Père Vincent Leclercq, vous êtes un des concepteurs et promoteurs des parcours interculturalité que met
en ligne ces jours-ci l’équipe de l’Université Européenne Assomptionniste (UEA). Pourquoi devons-nous désormais acquérir de nouvelles compétences dans ces domaines?
Pour vivre heureux en communauté et pour réussir dans nos apostolats. Que nous recevions en communauté des religieux étrangers ou que nous soyons envoyés en mission, le besoin de s’ouvrir à d’autres manières d’agir et de penser reste le même. Nos paroisses, notre activité professionnelle ou associative, nos familles sont de plus en plus internationales. Le défi est de passer de la multiculturalité où les cultures cohabitent et s’observent un peu à distance à une interculturalité choisie.
Dans le mot « interculturalité », le plus important est l’« inter » : notre capacité à entrer en relation avec autrui.
La rencontre de nos différences est toujours un choc car on y perd ses repères. Et pourtant, elle est enrichissante. Dans l’échange, chacun perçoit mieux qui il est tout en s’intéressant à l’autre. La formation lancée par l’UEA met des mots, des récits, des images, des concepts sur notre propre expérience de l’interculturalité. Elle donne aussi le recul nécessaire pour en comprendre les enjeux.
Comment ce parcours en dix modules peut-il être au service concrètement des communautés religieuses et au-delà ?
La formation offre à chacun de revenir à sa culture d’origine, de découvrir que celle-ci est reçue mais pas innée. Il a donc fallu l’apprendre. Qu’elle est dynamique car elle ne cesse d’évoluer. Et elle est unique car elle est le fruit de notre propre histoire. Elle ne se confond pas donc à un groupe ou à une nationalité.
La formation démontre qu’aucune culture n’est supérieure à l’autre. Or, ceci est parfois un présupposé qui empêche l’interculturalité de se vivre pleinement en communauté. Comme en famille, chacun est unique et a sa place. L’unité de nos communautés se fait dans la diversité et non pas la conformité à un modèle dominant.
En découvrant les dix modules, chacun peut approfondir et interroger sa propre culture dans une situation donnée. Comment ai-je l’habitude de réagir face à l’autorité? De prendre la parole au sein du groupe? De me situer dans la relation homme-femme? Comment puis-je surmonter le choc de l’expatriation et la découverte d’une Église différente? Dans cette formation, nous découvrons aussi d’autres manières de lire la Bible, de vivre ou de célébrer la foi, d’envisager la mission…
L’interculturalité touche toutes les dimensions de notre vie chrétienne et religieuse. La formation invite chacun à partager ses richesses. Elle souhaite prévenir les incompréhensions qui brouillent parfois nos relations fraternelles. Elle est une façon d’honorer notre charisme d’unité, de progresser dans la charité et la vérité.
Vous parlez d’évaluation concernant ces parcours. Comment allez-vous procéder? pensez-vous développer ce type de formation en ligne ?
Chacun a déjà une expérience de l’interculturalité mais souvent elle reste impensée. Elle n’est pas formulée ni partagée. L’autoévaluation demandée en fin de chaque module donne les moyens de réfléchir et de nous enrichir les uns les autres.
Concrètement, il s’agit d’écrire une page pour repérer ce qui a bougé en soi à partir de la découverte de l’autre. Et de nous donner à lire ce résumé. Cette formation nous donne la parole sur un sujet qui nous concerne tous. Il ne faut pas hésiter à s’exprimer personnellement et à échanger entre les groupes.
La reconnaissance du parcours ne donnera pas lieu à un diplôme. Elle ne valide pas un enseignement. Elle sera plutôt le signe que nous avons fait ensemble une expérience de l’interculturalité.
Nous avons lancé un prototype, un outil d’animation pour apprendre les uns des autres. Nous sommes impatients de voir comment il fonctionnera dans les groupes ou les communautés. Je le vois comme un laboratoire qui pourra nous donner de nouvelles idées dans le domaine de la formation humaine et spirituelle, pour vivre ensemble et accueillir la nouveauté de notre diversité.
Propos recueillis par Robert Migliorini