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Avons-nous le sens du dialogue ?

Entretien avec Jean-Noël Dumont par le Père Arnaud Alibert, publié dans Panorama en juin 2013.

Vous avez déjà lu sans doute comme moi « syndicats et patronat, ou bien, majorité et opposition ont rompu le dialogue ». Qu’est-ce que cela vous inspire ?

Il faut distinguer. Le mot « dialogue » n’est pas approprié à l’affrontement politique, qui se prête plutôt à la négociation. Ailleurs, c’est sous l’arbre à palabre qu’à force de discuter, on aboutit au consensus. Dans les deux cas on se met d’accord, à défaut souvent de trouver la vérité ! Le but d’un dialogue c’est autre chose.

Qu’est-ce alors ?

L’objectif du dialogue ne peut pas être determiner d’accord. Il n’y a pas de « solution » ou de vainqueur. Prenons l’exemple d’un dialogue entre chrétiens et musulmans sur la Trinité. Une ou trois personnes ? Dira-t-on « deux » en espérant mettre tout le monde d’accord ? Ce serait absurde ! La condition d’un vrai dialogue est que chacun renonce à avoir raison. Cela oblige d’une part à traiter l’autre comme quelqu’un de raisonnable et d’autre part à d’aller puiser à l’intérieur de mes convictions ce dont je peux rendre compte, ce que je peux justifier.

Quelle expérience est faite sur les réseaux sociaux ?

C’est une forme de communication, pas de dialogue. Pour qu’il y ait dialogue, autre condition, il faut que les deux points de vue se reconnaissent comme distincts et qu’ils aient envie de faire decettedistinction quelque chose qui pourrait être une richesse pour chacun. Sur internet, on n’est pas loin des conversations de salon : au moment où on arrive à une contradiction on passe à autre chose.

Y a-t-il un maître du dialogue ?

Difficile à dire.Socrate serait le premier. Il fonde la philosophie sur le dialogue, sur fond d’amitié. Il veut faire prendre conscience à son interlocuteur que sa position pourrait être raisonnable. Il essaie de l’accoucher de sa rationalité, si vous voulez ! Et comme c’est un travail qui peut être douloureux, l’interlocuteur peut stopper le jeu et bouder. La bouderie, c’est la violence ultime dans le dialogue ; elle est un « je ne te parle plus ».

De nombreuses traditions parlent de la prière comme d’un dialogue avec Dieu…

Dans la prière, il y a bien à la fois une parole adressée à Dieu et une parole reçue. Mais personnellement je parle davantage d’une rencontre. S’il y a un écueil dans la parole de Dieu, je ne l’analyse pas ; je rumine, je répète. Ce n’est pas comparable à un dialogue.

Jésus est-il un homme de dialogue ?

À première vue, c’est paradoxal. Jésus est doux mais parfois aussi abrupt avec des réponses pleines d’autorité. En fait, il répond à la question informulée de la personne. Voilà son art : permettre à son interlocuteur de connaître son désir ! C’est plus qu’un dialogue, c’est une révélation. Au fond la prière c’est ça. Dieu nous façonne et nous révèle notre désir.

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