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Trois questions à… Jean-Claude Guillebaud

Entretien avec le journaliste Jean-Claude Guillebaud. Il nous parle du dialogue.

Il avait commencé des études juridiques à Bordeaux et visait l’agrégation. Mais mai 1968 est passé par là. Il en a alors été détourné et est devenu journaliste. Son premier poste fut à Sud-Ouest à Bordeaux. Lauréat du prix Albert Londres, il est par la suite embauché au journal Le Monde comme grand reporter et correspondant de guerre. Il deviendra par la suite directeur littéraire aux éditions du Seuil. Jean-Claude Guillebaud prend également la plume et se penche sur les mutations qu’est en train de vivre la société.

Aujourd’hui, comme il le dit lui-même, il devrait être à la retraite. Mais quand on est passionné, dur est alors de décrocher. On aperçoit donc encore sa signature dans les éditos du Nouvel Observateur, le bloc-notes de La Vie. Il est aussi directeur littéraire pour les éditions Les Arènes et membre du conseil de surveillance dugroupe de presse Bayard.

Vous avez participé à une université d’été. Quel(s) souvenir(s) en gardez-vous ?

Je participe à une soixantaine de conférences par an. Concernant celle de l’UEA, j’en garde un souvenir très chaleureux et sympathique. Il y avait des gens que je connaissais bien, à l’instar de Bruno Frappat, aujourd’hui président d’honneur du groupe Bayard.

Cet été, la thématique retenue est le dialogue. Qu’en pensez-vous ?

Je pense qu’en 2013, on ne peut pas parler du dialogue comme il y a encore dix ans. Nous sommes désormais devant une situation complètement inédite. Je veux dire par là que la centralité de la culture et du monde occidental est terminée. Pendant quatre siècles, l’occident a dominé le monde, militairement, économiquement, technologiquement, culturellement et religieusement. Nous avons été les évangélisateurs du monde, nous, les chrétiens. Je pense que cette période est terminée. Aujourd’hui, nous voyons se réveiller de grandes cultures. Je pense à la Chine, à l’Inde, une partie de l’Amérique Latine voir même certains pays d’Afrique. Le monde occidental doit désormais partager.

Dans le même temps, nos sociétés sont devenues multiculturelles, multiethniques et multiconfessionnelles. Aujourd’hui, en France, en cette terre catholique désignée « fille aînée de l’Eglise », la deuxième religion est l’Islam. C’est quelque chose d’entièrement nouveau. Personnellement, je considère volontiers que l’athéisme est une religion, une croyance comme les autres. Cette dernière est peut-être en train de devenir la première religion de notre pays, ce qui relègue le christianisme, sous toutes ses formes, a un rang plus marginal. Ça veut dire que chez nous, le dialogue interconfessionnel n’est plus seulement un vœu mais est devenu un impératif. Il y a la nécessité de faire cohabiter des confessions différentes dans une même république. Nous catholiques, nous faisons une expérience assez nouvelle qui nous renvoie d’ailleurs aux premiers siècles du christianisme. Nous faisons l’expérience d’être minoritaire, même si le catholicisme a régenté la société française pendant de longs siècles. Mais je ne vois pas là quelque chose de dramatique et de catastrophique. En quantité, le christianisme est en train de disparaître. Mais il triomphe d’une autre façon. En effet, les sources des valeurs que mettent en avant les modernités européennes sont bibliques.

D’après vous, quelles thématiques serait-il intéressant de retenir pour de prochaines universités ?

Permettez-moi de répondre à cette question d’une autre façon. Je pense qu’il faudrait approfondir le sens du dialogue. Mon livre « Le commencement d’un monde » parle justement de cette méfiance par rapport au mot « dialogue ».

Le dialogue n’a de sens que lorsqu’on ne fait pas mystère de nos différences. Comme disait Mgr Pierre Claverie, évêque d’Oran, le vrai dialogue n’existe qu’à partir du moment où l’autre est peut-être porteur d’une vérité qui me manque. Tout en gardant sa particularité, on peut s’enrichir mutuellement.

Propos recueillis par Aurélien Tournier

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